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Productivité et plus

L’employé post-pandémie en France et la notion de bien-être au travail

Arthur Lopez
01 févr. 2023 ∙ 14 mins
L'équipe de vente d'Osedea en rencontre à Montréal

Mon nom est Arthur Lopez et j’ai travaillé en tant que Project Manager dans le secteur des nouvelles technologies ces 10 dernières années. Mon article s’intéresse aux personnes de mon domaine mais aussi à toutes les personnes dont la présence sur le lieu de travail n’est pas obligatoire pour exécuter leurs missions. Cet article est le fruit de mon expérience en France et à Montréal, ainsi que de mes nombreuses rencontres et discussions autour des nouvelles méthodologies de travail et du bien-être de l’employé. Il a pour but d’ouvrir une discussion sur le sujet et essayer d’impacter / convaincre d’autres acteurs en France de suivre une direction commune.

Il existe de nombreux articles sur l’entreprise post-pandémie en France, ce que cela a changé pour l’employeur et pour la vie d’entreprise, mais qu’en est-il pour l’employé et pour son bien-être ?

  • Est-ce que la pandémie a accéléré l’implémentation du télétravail en France ?
  • Est-ce que le télétravail améliore de façon considérable le bien-être de l’employé ?

La réponse à la première question est « oui bien évidemment ». Pour la seconde question, on serait tenté de répondre oui mais connaissant le fort taux de burnout durant cette période en France, cela s’avère bien plus complexe que ça.

À travers cet article, je vais essayer de répondre à cette question et d’identifier les challenges de demain pour améliorer significativement le bien-être de l’employé au travail.

Revenons un peu en arrière

Pré-pandémie, nous étions dans un cadre de travail assez strict et rigoureux. La présence au bureau était obligatoire et les dérogations très rares. Non seulement le doute et la méfiance émanaient des manageurs mais aussi des collègues jaloux ou inquiets quant à la capacité réelle du télétravail de leurs pairs. Ainsi, il régnait un climat de contrôle-surveillance sur chaque employé.

Pandémie arrive, déplacements limités obligatoires, open-work clairement interdit, le télétravail s’installe de force dans les entreprises françaises.

Pour la majorité des employés, c’est une aubaine, une chance, ou une manière d’entrer dans un monde sans limite et sans retour en arrière. Les avantages sont clairs :

  • Aucun temps de transport donc plus de temps pour soi.
  • Tenue vestimentaire plus flexible — le retour du jogging
  • Multitask — travailler sur plusieurs choses en parallèle, y compris pendant des meetings (où la participation est plus ou moins pertinente).
  • Moins de problèmes entre les employés — querelles, jugement, jalousie, discriminations(?), etc.
  • Plus de liberté pour gérer le foyer familial — garde d’enfant, tâches ménagères, réception livraison, accueil d’un technicien, etc.
  • Possibilité de travailler depuis n’importe où (ou presque )— ouverture du champs des possibles pour travailler dans des lieux plus agréables ou fuir les grandes villes et leurs loyers conséquents.

L’entreprise et ses managers ont les mêmes avantages mais perdent le plus important : le contrôle de leurs employés ou comment vérifier que leurs employés travaillent réellement chez eux, leur relation de confiance est donc affectée. Ils n’auront pas le choix que de l’accepter le temps de la pandémie, les résultats ne seront d’ailleurs pas si mauvais, mais reviendront au système de présence obligatoire avec plus ou moins d’exception (entre 1 et 2 jours de télétravail par semaine) une fois la pandémie terminée.

Les employés se sentent « mieux qu’avant » mais nous sommes encore loin de la notion de bien-être en entreprise avec un taux de burnout qui continue d’augmenter en France. Alors où est le problème?

La notion de bien-être en entreprise

Comment pourrions-nous définir le bien-être en entreprise ? Aujourd’hui, on associe beaucoup cette notion à l’équilibre vie personnelle — vie professionnelle mis en place par l’entreprise. Cela va du cadre de travail (les locaux par exemple) à tous les avantages offerts aux employés afin de rendre le travail plus agréable. Le travail est par définition un effort, c’est pour cela que nous parlons davantage du respect de l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle que de réel bien-être. Le respect de cet équilibre revient à donner plus de liberté à l’employé.

Récemment j’ai participé à une conférence lors de l’Agile Tour Toulouse, et un exemple nous a été donné :

Il s’agit d’un manager qui demande à la fin de la journée à un employé de travailler et rendre un document pour le lendemain matin. Le problème est que notre employé a un entraînement de foot prévu le soir même et serait donc tenté de refuser. Après tout, il a raison, dans son contrat de 37,5 heures il n’est pas payé pour des heures supplémentaires et il préfère maintes fois se rendre à son entraînement que de passer sa soirée à travailler. Il refuse logiquement la demande de son manager en expliquant qu’il a des engagements prévus.

Le public commence à rire. Le conférencier enchaîne :

Et vous allez me dire : « ce n’est pas comme ça que ça se passe dans la vraie vie! »

Le public rit fortement comme pour approuver cette dernière punchline, et la notion de liberté en est totalement bafouée. C’est d’ailleurs cet épisode qui m’a motivé à écrire cet article, car de mon point de vue c’est comme ça que ça devrait se passer en entreprise dans la vraie vie.

Le modèle nord-américain ou canadien

J’ai travaillé les 5 dernières années au Canada, à Montréal plus exactement et j’ai découvert une autre manière de travailler. Au-delà du télétravail instauré depuis un moment, la liberté et la confiance sont des valeurs clés au sein des trois entreprises que j’ai rencontrées dans le milieu des technologies. Durant ces expériences, j’ai senti que le bien-être était une valeur fondamentale pour mon employeur et que les employés étaient en mesure de trouver le juste équilibre vie personnelle-vie professionnelle.

  • Télétravail ou bureau : libre aux employés de choisir le format qu’il leur convient.
  • Flexibilité des horaires : avec quelques exceptions en fonction des rencontres importantes ou des obligations d’équipes.
  • Pas de dépassement d’horaire (ou très rarement) : on travaille de 9 à 5, donc à 17h, il est normal que tout le monde rentre chez soi.

Comment tout ceci est possible au Canada et pas en France ?

Tout d’abord car les employeurs se sont vite rendus compte que leurs employés étaient très régulièrement bien plus productifs en télétravail qu’en présentiel pour les deux raisons suivantes :

1. Le temps de travail n’est pas proportionnel à la productivité

La première chose à retenir est la différence de référencement : en France, on a longtemps associé le fait qu’un employé travaille au simple fait de sa présence au bureau. Ce qui est une erreur et n’aide en rien au calcul de la productivité de l’employé. Un employé ne voulant pas travailler trouvera toujours le moyen de se cacher de ses priorités.

Au Canada, on regarde directement la productivité des employés en mesurant les résultats obtenus. Cela implique un suivi différent pour évaluer le travail des employés afin de s’assurer que le résultat est conforme aux objectifs donnés. La finalité est la même mais la liberté pour l’employé est bien plus grande.

2. Le télétravail booste la productivité

Le télétravail pâtit d’une image relativement négative pour l’employeur, du fait que l’employé a la liberté de mixer des tâche pro et perso tout le long de sa journée. Mais est-ce une mauvaise chose ?

Prenons l’exemple d’un employé à qui on donne X tâches pour sa journée de travail ou qu’il s’auto-donne comme objectif ces X tâches. Comme il ne pourra pas quitter le bureau plus tôt en cas de travail plus vite exécuté, Il est fort probable qu’il étale son travail sur la durée totale de sa journée et le remette à la fin de cette dernière.

En télétravail, il sait qu’en exécutant ses tâches plus rapidement, il pourra finir plus tôt ou s’accorder un temps repos ou encore avancer sur une tâche personnelle. En rendant son travail plus tôt, cela accélère la productivité de notre employé mais surtout de toute l’équipe.

Ensuite, le fait d’accorder de la flexibilité dans les horaires de travail a un fort impact sur le bien-être de l’employé ainsi que sur sa productivité. En plus de permettre à l’employé de rattraper ses heures un peu plus tard dans la journée ou dans la semaine, il permet aussi de maximiser nos moments de forte concentration. En effet, nous bénéficions tous d’un moment dans la journée où notre productivité est forte, c’est ce qu’on appelle notre momentum. La flexibilité des horaires vise, en partie, à se servir de ce momentum pour délivrer un maximum de travail. Comme nous sommes tous différents, la flexibilité accordée permet d’ajuster nos horaires de travail en fonction de notre profil. Par exemple, j’ai rencontré des personnes qui aiment travailler les dimanches, ou encore des développeurs qui préfèrent programmer de nuit. Il est compréhensible qu’une personne ayant un momentum dans la soirée ou dans la nuit serait bien moins productif en matinée — alors pourquoi obliger tout le monde à commencer à la même heure et effectuer les mêmes horaires de travail ?

De plus, le respect des horaires est un travail à faire conjointement avec les managers et les clients. Challenger les deadlines pour les comprendre est une obligation, gérer le risque en cas de potentiel retard en est une autre. En combinant les deux, on arrive très régulièrement à des terrains d’entente, permettant de respecter les horaires de travail contractuels et donc la vie personnelle des employés.

Enfin, les espaces de travail ont dû être repensés pour les rendre plus confortables et plus attractifs pour les employés : pas de place fixe attribuée, des espaces de réunion pour s’isoler, des salons confortables, des espaces pour « déconnecter », des évènements plus réguliers, etc. L’objectif reste d’encourager les employés à se rendre sur le lieu de travail de temps en temps pour collaborer efficacement et participer à la cohésion d’équipe.

Et pour l’employé alors, est-ce réel un avantage ?

L’employé, l’humain, est en constante recherche de bien-être dans son quotidien. Le fait d’avoir la liberté d’opter pour un travail à la maison ou bien dans les bureaux ainsi que d’adapter ses horaires de travail, sont des avantages indéniables.

Ces libertés offrent à l’employé les moyens nécessaires pour trouver le juste équilibre entre sa vie personnelle et ses obligations professionnelles. Cet équilibre doit contribuer au bien-être de l’employé en diminuant notamment son stress et la charge émotionnelle associée.

Cette flexibilité donne la possibilité à l’employé de travailler de où il veut, et inversement de travailler pour n’importe quelle entreprise proposant le travail à distance.

D’autre part, il n’est pas rare d’avoir un coup de fatigue durant sa journée de travail (ou encore d’être un peu malade), il est alors logiquement plus simple de s’accorder un temps de repos chez soi qu’au bureau.

Pour terminer, je me rends compte que nous sommes beaucoup plus exigeants envers nos collègues sur notre lieu de travail qu’à distance — récemment un ami m’a fait part d’une frustration assez forte dans sa vie de bureau : 2 de ses collègues concentraient une majeure partie de leur temps à discuter entre eux autrement dit à ne pas travailler, ce qui avait le don d’énerver passablement mon ami. Mais alors pourquoi vivons-nous la situation différemment lorsque nous sommes en télétravail ?

Les entreprises canadiennes ont compris toute l’importance de prendre soin de l’état de santé et physique de leurs employés afin de mieux les fidéliser et d’obtenir de meilleurs résultats. En plus du télétravail et de la flexibilité des horaires, j’ai aussi rencontré d’autres avantages au cours de mes différentes expériences, comme par exemple :

  • Vacances illimitées payéesconcept basé sur le fait qu’il vaut mieux donner du temps de repos à un employé qui le demande plutôt que de le forcer à travailler.
  • 2h par semaine sur le temps de travail utilisable pour une activité sportive ou du bénévolat.
  • Summer Fridays : durant l’été, la possibilité de condenser sa semaine sur 4,5 jours pour pouvoir terminer le vendredi midi et avoir un plus long weekend.
  • Outils de télémédecine pour la santé ou le suivi psychique
  • Make your dreams come true : programme récompensant la fidélité d’un employé en lui offrant 2 semaines de congés supplémentaires + un chèque de 5000$ pour réaliser un de ses rêves. Renouvelable tous les 5 ans.
  • Work from anywhere — Possibilité de travailler pour une durée maximale de 6 mois dans un pays ou une province étrangère.
  • Programme d’accompagnement pour aider à fonder une famille

Néanmoins ce modèle comporte également des dangers et des risques sur l’état de santé et la productivité des employés.

Les limites du système

Le modèle Canadien a démontré de nombreux avantages pour l’employeur et l’employé mais n’est pas sans risque. Ces nouvelles manières de travailler ont créé d’autres problèmes auxquels il faudra répondre. En voici quelques uns :

  • Un système inéquitable : tout le monde ne peut pas avoir accès aux mêmes avantages car certaines personnes, même dans le milieu des nouvelles technologies, ne peuvent pas se permettre d’être en télétravail (entrepôt) ou de bénéficier de la flexibilité des horaires de travail (support client).
  • Le danger du multitask : nous connaissons tous les multiples avantages du multitask surtout durant les visioconférences. Ceci dit, le manque de concentration est un réel problème sur l’efficacité de certains meetings.
  • La confiance mise à rude épreuve : le système est basé sur la confiance entre l’employeur et son employé et les employés entre eux. Une absence de réponse ou une réponse tardive peut vite remettre en question toute cette relation de confiance.
  • Des bureaux vides : en laissant le choix aux employés de venir ou pas au bureau, on peut vite être confronté à la situation des bureaux vides. Ce qui peut démotiver certains ou inciter l’employeur à résilier son bail et donc entraîner d’autres problèmes.
  • Risque d’isolement ou mauvais choix : comment s’assurer que l’employé prend la bonne décision ? La situation familiale peut être compliquée, l’espace de travail pas adapté mais plus encore il existe un risque d’isolement notamment de la part des personnes seules. L’entreprise 100% télétravail (sans lieu de travail) est donc également un risque. Bien qu’il soit important de laisser la liberté à l’employé de décider ce qui est le mieux pour lui, il faut l’encourager à se rendre sur son lieu de travail de temps en temps.
  • La collaboration repensée : il faut donc trouver des nouvelles alternatives avec les outils disponibles pour repenser et optimiser la collaboration à distance.
  • Equipement hybride : bien entendu, pour que tout ce système fonctionne correctement, il faut que l’équipement soit adéquat, tant au niveau matériel que les outils déployés par les entreprises.
  • Culture d’entreprise et cohésion d’équipe : il faut encourager les employés à se rendre sur le lieu de travail (de temps à temps) mais non les obliger. Cela participe à la cohésion d’équipe et renforce leur attachement. Ceci dit, il faut tout de même réfléchir à de nouvelles manières de développer cette culture d’entreprise et entretenir la cohésion des équipes à distance.

En quelques mots pour résumer

La pandémie et le télétravail ont totalement redistribué les cartes de notre manière de travailler et de collaborer. Bien que le travail à distance ait fait ses preuves, certaines entreprises restent très réticentes quant à l’idée de proposer le télétravail à leurs employés au quotidien. Quand d’autres l’ont complètement banni, d’autres ont décidé de le restreindre. Cette limitation est un frein à la liberté des employés et affecte la relation de confiance entre les deux parties. Pour que le télétravail reste un avantage d’une part pour l’entreprise et la productivité et d’autre part pour l’employé et son bien-être, il ne faut pas en limiter son utilisation.

Aujourd’hui, une entreprise qui prend soin de ses employés est une forte valeur ajoutée et démontre tout son côté humain, aussi bien pour le recrutement que pour son rayonnement auprès de ses clients et autres partenaires.

Créer du bien-être pour les employés revient à leur donner plus de liberté et de confiance et permettre ainsi un meilleur équilibre vie personnelle-vie professionnelle. Ces démarches ont un réel impact sur la santé de l’employé (et les risques de burnout) ainsi que sur la productivité de ce dernier.

Cela demande une nouvelle reflexion sur la culture d’entreprise et la cohésion des équipes à distance dans le but de les fidéliser. Ce sont les challenges d’aujourd’hui et nous en sommes les acteurs. Nous vivons actuellement ce changement et j’encourage les entreprises à proposer / essayer de nouvelles méthodes et d’en partager les résultats.

Mon rôle dans tout ça

En décidant de rentrer du Canada, je souhaitais conserver tous ces avantages (liberté) acquis depuis mes 5 dernières années. J’ai donc choisi l’entreprise canadienne Osedea, également implantée à Nantes, qui a réussi à exporter le modèle canadien en France. Mon rôle est de développer un bureau à Toulouse et de recruter une équipe performante qui profiteront de ces différents avantages :

Mon objectif est également de partager cette expérience et cette vision pour ainsi réussir à convertir d’autres entreprises dans ce modèle là.

Je crois que nous sommes dans une période où les actions sur la santé et le bien-être des employés mis en place par les entreprises deviendront tout aussi prioritaires que la rémunération ou les missions pour attirer de nouveaux employés. Alors il est probablement temps de participer à ce changement majeur en innovant et ainsi construire l’entreprise de demain.