Technologie de confiance, impact réel et l'art de déconnecter avec Carl Lapierre

À la croisée de l’innovation en IA et de l’expérience concrète, Carl Lapierre façonne l’avenir des logiciels de calibre entreprise. Dans cette entrevue, Carl partage son point de vue sur la manière dont l’IA, en particulier le traitement automatique des langues (NLP), transforme les industries, les défis liés à la création de systèmes fiables, et ce qu’il faut pour garder une longueur d’avance dans ce domaine en pleine évolution. Des hackathons aux systèmes agentiques, en passant par les conférences et la van life, Carl incarne une approche résolument humaine de la technologie de pointe.

Comment fais-tu pour rester à jour sur les avancées en IA, notamment en NLP (Traitement automatique des langues)?

Pour moi, la meilleure façon de continuer à apprendre dans un domaine qui évolue rapidement, c’est de rester impliqué. Je lis des ouvrages techniques, je suis l’actualité, je lis des blogues et j’écoute des balados technos, mais rien ne vaut l’expérience terrain. Faire partie de communautés de développeurs, échanger lors de meetups techniques, mettre la main à la pâte avec de nouvelles technos — c’est là que la vraie progression se passe. Depuis trois ans, j’organise des hackathons chez Osedea parce que c’est là où j’apprends le plus. Explorer des idées audacieuses et expérimenter avec des technologies émergentes, c’est non seulement stimulant, mais aussi un des moyens les plus rapides de monter en compétences.

Quel est le projet en IA le plus excitant sur lequel tu as travaillé chez Osedea ?

Le projet en IA le plus passionnant sur lequel j’ai travaillé chez Osedea, c’est celui sur lequel je suis actuellement. Nous intégrons plusieurs solutions propulsées par l’IA dans un système ERP manufacturier, et mon rôle principal est de concevoir un agent assistant. C’est un projet d’envergure, de niveau entreprise, avec toutes les fonctionnalités d’un système complet. Ce qui est particulièrement gratifiant, c’est de voir comment tout ce que j’ai appris ces deux dernières années — notamment autour de RAG, des LLMs et des systèmes agents — converge dans ce projet.

Ce qui me motive vraiment, c’est l’impact potentiel. Les systèmes basés sur des agents peuvent générer un retour sur investissement considérable grâce à l’automatisation et au soutien intelligent. Contribuer à un projet avec un tel potentiel, c’est à la fois un défi et une source de grande satisfaction.

Comment vois-tu l’évolution de l’IA dans les industries au cours de la prochaine décennie ?

Au cours des dix prochaines années, je pense que l’IA va transformer en profondeur presque tous les secteurs. Pas seulement en automatisant certaines tâches, mais en repensant complètement les flux de travail et les systèmes dans leur ensemble. Dans des domaines comme la santé, la fabrication ou la logistique, l’IA permettra de prendre de meilleures décisions, d’optimiser les opérations et de révéler des gains d’efficacité jusque-là impossibles à atteindre.

Dans les domaines créatifs, l’IA deviendra un véritable outil de collaboration, aidant les gens à itérer plus rapidement et à explorer de nouvelles idées. Par exemple, on assiste actuellement à un engouement pour le “vibe coding”, une approche qui ouvre des portes aux esprits créatifs qui n’avaient peut-être pas les compétences techniques nécessaires pour concrétiser leurs idées. C’est fascinant de voir l’émergence d’indie hackers et de créateurs solo qui sont propulsés par les outils d’IA. Cela réduit considérablement les barrières à l’entrée, d’une manière qui a un vrai potentiel de transformation.

À ton avis, quels sont les principaux défis auxquels nous sommes confrontés lors de l'implémentation de l'IA dans des applications réelles ?

L’un des plus grands défis lorsqu’on implante l’IA dans des cas d’usage réels, c’est la question de la confiance — particulièrement en ce qui concerne la véracité, la gouvernance et la prise de décision. Il ne s’agit pas seulement de concevoir un modèle ou de déployer un système, mais de s’assurer que les résultats soient fiables, transparents et bien alignés avec l’intention humaine. Parfois, gérer l’ambiguïté et valider les informations peut être plus long que l’implantation technique elle-même.

Il y a toujours un risque lorsqu’on commence à déléguer des décisions à des machines, surtout dans des contextes critiques ou à fort enjeu. Je pense souvent à cet exemple : un jour, l’IA de Google a suggéré d’ajouter de la colle sur une pizza pour que le fromage colle mieux — parce qu’elle avait trouvé cette “astuce” sur une publication satirique de Reddit. C’est une anecdote amusante, mais qui montre à quel point ça peut déraper si on ne fait pas attention à la source, au contexte et à la validation.

Pour moi, le vrai défi ne réside pas dans la technologie en tant que telle, mais dans la construction de systèmes en qui l’on peut réellement avoir confiance.

Qui a eu la plus grande influence sur ta carrière, et qu’as-tu appris de cette personne ?

Ce n’est pas une personne en particulier, mais Osedea dans son ensemble ! Travailler ici a accéléré ma croissance professionnelle d’une manière que je n’aurais jamais imaginée. Je fais partie du programme de leadership Elevate, qui joue un rôle clé dans mon développement en tant que leader. Côté technique, je suis constamment mis au défi grâce à la diversité des projets auxquels je participe, dans des domaines et des niveaux de complexité très variés. Il y a chez Osedea une culture forte du développement personnel : je me sens écouté et soutenu quand j’exprime le désir d’explorer de nouvelles avenues. C’est d’ailleurs grâce à cet environnement que j’ai maintenant l’opportunité de travailler avec l’équipe IA.

Quelles sont, selon toi, les compétences les plus importantes pour progresser en développement logiciel et en IA ?

Même si les compétences techniques sont essentielles, surtout en développement logiciel et en intelligence artificielle, je pense qu’une des compétences les plus sous-estimées — mais pourtant cruciales — est la capacité à bien comprendre le domaine dans lequel on travaille. Savoir analyser les processus d’affaires, poser les bonnes questions et traduire des besoins concrets en solutions techniques, c’est ce qui distingue les bons développeurs des excellents.

À mesure que l’IA automatise de plus en plus les tâches de programmation répétitives, la valeur ajoutée des humains réside dans leur capacité à comprendre le contexte, à définir des exigences claires et à faire le pont entre la technologie et les besoins d’affaires réels. D’une certaine façon, ces compétences deviennent même plus importantes que les aptitudes techniques pures. Les développeurs capables de penser de façon critique, de bien communiquer et de gérer la complexité sont ceux qui s’en sortiront le mieux.

Quelle est ta plus grande réussite professionnelle à ce jour ?

Ça ne semblera peut-être pas impressionnant pour tout le monde, mais percer dans le domaine de la prise de parole en public est l’une de mes plus grandes fiertés professionnelles. Je cherche constamment des façons de sortir de ma zone de confort, et c’était de loin l’un des défis les plus difficiles que j’aie relevés. Monter sur scène pour partager mes apprentissages avec un public était à la fois terrifiant et grisant, mais ça m’a aussi permis de connecter autrement avec la communauté techno.

Ma première conférence, c’était l’an dernier à WeAreDevelopers à Berlin, et donner une présentation dans un événement international pour la première fois représentait un grand pas. Au final, tout s’est bien passé, et cette expérience a été non seulement très enrichissante, mais aussi un tournant dans la manière dont je me perçois comme professionnel.

Comment fais-tu pour rester motivé et énergique pendant les périodes de forte charge de travail ?

J’ai la chance d’avoir un golden retriever plein d’énergie qui me regarde avec ses grands yeux tristes tant qu’on n’est pas sortis, donc peu importe à quel point je suis occupé, je finis toujours par faire trois marches par jour — même quand il fait -30 °C ! Je laisse intentionnellement mes écouteurs à la maison pour vraiment décrocher. Le simple fait d’être dehors, au calme, a un énorme impact sur ma clarté mentale et mon niveau d’énergie.

Je joue aussi un peu de guitare quand je me sens dépassé, ce qui m’aide à me calmer, à changer de focus et à me recentrer en faisant quelque chose de créatif et non technique. Ces petites routines m’aident énormément à rester motivé et équilibré pendant les périodes de forte charge de travail.

Quel est l’aspect le plus gratifiant de concilier un travail exigeant et ta vie personnelle ?

Je ne suis pas vraiment fan de l’expression « work hard, play hard », car elle a souvent un côté un peu « culture du hustle », mais d’une certaine manière, ça s’applique. Dans la plupart des organisations, cette mentalité se transforme souvent en « work hard… and no play ». Mais chez Osedea, le travail rapide et exigeant est en fait équilibré avec des récompenses significatives et un soutien pour notre qualité de vie.

Un des meilleurs exemples est l’avantage « Rêves devenus réalité », qui m’a donné 5 000 $ et une semaine de congé supplémentaire à utiliser comme bon me semblait. Je l’ai utilisée pour voyager en Italie avec ma famille, et ce fut une expérience inoubliable. Nous avons aussi des jours de vacances supplémentaires autour des jours fériés, transformant certains week-ends d’été en pauses de quatre jours, ce qui fait une énorme différence. Et cet octobre, toute l’entreprise part à l’étranger pour notre événement annuel, ce qui est juste incroyable.

Ce genre d’équilibre rend l’intensité du travail plus significative, et non épuisante. Honnêtement, je choisirais ça plutôt qu’un travail plus lent et monotone à n’importe quel moment.

Si tu pouvais avoir n’importe quel superpouvoir, lequel choisirais-tu et comment l’utiliserais-tu dans ta carrière ?

C'est facile, en tant que nouveau papa, j'aimerais avoir le superpouvoir de ne plus avoir besoin de sommeil. Imaginez avoir 8 heures supplémentaires dans la journée et toujours être bien reposé. Ce serait le rêve. Cela me permettrait simplement d’accomplir davantage. Je me surprends souvent à vouloir faire 100 choses en même temps, mais je dois prioriser, car, comme tout le monde, il faut que je dorme.

Que voudrais-tu accomplir dans les cinq prochaines années, tant sur le plan professionnel que personnel ?

L’équilibre travail-vie personnelle est vraiment important pour moi, et je me sens chanceux qu’Osedea respecte et soutienne cela. En 2022, j’ai transformé un vieux van en un camping-car totalement autonome, avec panneaux solaires et un système électrique. Je l’ai conduit à travers le Canada et les États-Unis à deux reprises ! La première fois, de St. John’s, Terre-Neuve à Tofino, C.-B., et la deuxième, de Montréal à Banff et jusqu’à Los Angeles. J’ai pu faire tout cela tout en continuant à travailler sur des projets chez Osedea, ce qui a été une expérience incroyable. J’adore les road trips, la nature et explorer de nouveaux endroits.

En 2023, j’ai vendu le van car notre famille s’agrandissait et il ne correspondait plus à nos besoins, mais un de mes objectifs pour les prochaines années est de convertir un van plus récent et plus grand, qui pourra nous accueillir tous. Il y a encore tellement d’endroits que je veux explorer, comme le Yukon et l’Alaska. Donc pour moi, cet objectif est à la fois personnel et professionnel : continuer à progresser dans ma carrière tout en maintenant la liberté et l’équilibre nécessaires pour vivre pleinement ma vie avec ma famille et mon équipe.

Comment définis-tu le succès, tant dans ta carrière que dans ta vie en général ?

J’en ai un peu parlé dans d’autres questions, mais pour moi, le succès repose sur une croissance continue, des défis significatifs et le maintien d’un équilibre sain entre travail et vie personnelle. Je crois que la vie doit être excitante et remplie de nouvelles expériences. Dans la vingtaine, je me suis beaucoup concentré sur les voyages, visitant plus de 30 pays, ce qui m’a permis d’apprécier profondément de nouvelles perspectives et la croissance personnelle. Vers la fin de ce chapitre, j’ai ressenti un certain sentiment de stagnation, mais j’ai compris que la croissance ne venait pas seulement des voyages. Ta carrière peut être tout aussi épanouissante si tu es prêt à sortir de ta zone de confort.

Pour moi, le succès signifie être curieux, rester challengé, et ne pas fuir les nouvelles opportunités, que ce soit en dirigeant un projet complexe, en apprenant une nouvelle compétence ou en naviguant dans la vie avec une famille grandissante. Il s’agit de créer une vie où la réussite professionnelle et l’épanouissement personnel vont de pair.

Quelle est une leçon que tu aimerais transmettre à la prochaine génération de développeurs ?

Une leçon que je transmettrais à la prochaine génération de développeurs serait de rester présent et conscient de ce qui se passe dans le monde de la technologie, de comprendre les tendances, mais de ne pas se perdre dans le battage médiatique. Que ce soit la blockchain et la crypto ou l’IA et les agents, il y aura toujours des vagues d’excitation exagérée autour des nouvelles technologies. La clé est de surfer sur ces vagues avec un esprit critique.

Faites attention à la façon dont le domaine évolue, apprenez les concepts de base et réfléchissez à la direction que prend la technologie, et pas seulement à ce qui brille aujourd’hui. Être curieux et informé, sans se laisser emporter par le bruit ambiant, est l’une des compétences les plus précieuses qu’un développeur puisse avoir.